Georges Duboeuf en ligne de vigne
Photos © Jean-Luc Mège
Par Françoise Petit
Ce jour là un léger vent du Nord caresse la parcelle de vignes où se détache
des échines dodues de vendangeurs. Georges Duboeuf foule cette terre avec
l’aisance d’un homme d’expérience et la modestie d’un seigneur qui aime répéter
« dans ce métier on est toujours apprenti ». Entre science et instinct, Georges
Duboeuf exprime son art de vigne comme un sacerdoce. Arrêt sur image avant
l’arrivée du Beaujolais Nouveau.
En ouvrant ce
portillon inséré dans quelques pierres presque dorées, Georges Duboeuf sait qui
il va rencontrer, pourquoi et pour qui. Cette scène de vigne, il la joue chaque
jour des dizaines de fois pendant les vendanges. La réussite d’un millésime
s’inscrit dans la somme des talents que l’on sait réunir. Inlassablement Georges
Duboeuf œuvre dans ce sens en travaillant avec 400 vignerons et 24
coopératives ! Duboeuf et le Beaujolais écrivent en duo l’histoire d’un terroir
célébré aujourd’hui dans le monde entier. 30 millions de bouteilles par an
attestent de la vitalité d’une Maison mythique. Ce n’est pas le fruit du hasard,
plutôt celui d’un savoir faire à la quarantaine rugissante (Création des Vins
Georges Duboeuf en 1964).
Le succès des
Vins Duboeuf et l’univers familial des Duboeuf sont intimement liés mais
impossible de percer le mystère du regard solitaire et profond de ce seigneur du
beaujolais. En terre mâconnaise, il a grandi auprès de femmes qui l’ont préparé
aux sensibilités de terroirs. Le petit Georges avec sa grand-mère, sa mère ou sa
sœur apprenait les doctrines de campagnes faites de bonheur et de labeur. Son
père, décédé à l’âge où un enfant croit encore au père Noël, lui laissera le
plus bel héritage moral : la passion de la vigne. De cette époque il garde en
mémoire les ambiances de vendanges, pas toujours réjouissantes: « Les
vendanges quelles qu’elles soient… c’est toujours un moment très fort. En 1939,
quand la guerre s’est déclarée j’étais tout gamin, j’avais 6 ans… ce qui m’ a
frappé chez nous dans notre propriété à Chaintré, ce sont les gens qui
arrivaient de tous les côtés, il y avait des réfugiés espagnols, des grecs, ils
sortaient leur guitares d’autres des couteaux certains chantaient dans leur
langue, je ne comprenais pas ce qu’ils disaient, j’avais peur, alors je me
mettais dans un coin… cela m’a vraiment marqué. Bien plus tard, c’était les
copains, les copines, la fête. Par rapport a aujourd’hui c’était bien différent,
il n’y avait pas d’horaires c’était plus détendu plus convivial, le dernier jour
des vendanges, qui s’appelle la revole, la maîtresse de maison nous servait des
tas de choses extraordinaires… Les vendanges, c’est toujours le résultat d’un an
de travail, c’est l’empreinte du temps que l’on trouve dans les raisins, avec
tout ce qu’ils ont de bien de moins bien. » Dans les vignes où chaque grappe
attire sa vigilance ou sur son site de vinification, Georges Duboeuf ne laisse
rien passer. A l’observer on est spontanément convaincu que ce qu’il fait avec
son fils Franck et ses équipes frise la perfection. Le sérieux de l’homme, la
rigueur du négociant, l’affection portée à « ses » vignerons échappent hélas à
la pensée de ses détracteurs, ceux qui n’ont jamais mis les pieds à Romanèche
Thorins.
Les 118 pays qui accueilleront le mois prochain le Beaujolais Nouveau confirment
l’engouement du « vin d’approche » de la galaxie Duboeuf (Mâconnais, Vallée du
Rhône, Pays d’Oc…). Les japonais très demandeurs attendent avec impatience
l’arrivée du beaujolais nouveau 2004. Ils n’auront que des sourires à adresser à
Georges Duboeuf. Les objectifs nippons sont clairs : déguster ce marché comme un
cerisier sur le gâteau ! A bon dégustateur…
A suivre,
Gaël Leforestier : à la recherche du bout de la nuit…
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