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David S Tran - Le Progrès du 14 février 2007
Les maux bleus de Dhorasoo
Journal filmé.
Coupe du Monde, Vikash Dhorasoo n’est que « Substitute »,
remplaçant. Déçu, le numéro 8 des Bleus se confie à sa caméra super 8.
Vikash Dhorasoo
rompt un tabou. Celui de contrer une décision du tout puissant
sélectionneur des Bleus, Raymond Domenech. Celui d’avouer qu’être
remplaçant, c’est finir moins que rien, même si on fait partie des vingt
trois français retenus pour disputer la dernière Coupe du monde. En
Allemagne, Vikash Dhorasoo aura joué seize minutes. Dix contre la Suisse,
six contre la Corée. Certains, comme Coupet, auraient vendu leur
short pour fouler la pelouse. Mais Dhorasoo, lui, vit le banc comme une
humiliation. Attitude indécente, donc intéressante dans l’univers du
ballon rond et de la langue de bois. « Au début, je pensais : jouer ou
pas, c’est pas grave. Je suis dans les vingt trois et personne ne va me
l’enlever ce bonheur. » L’ancien de l’OL déchante vite : « Ma
Coupe du monde, ça a été ma chambre et des parties de poker ».
Vague à l’âme
Muni d’une caméra super 8, que lui a confiée le réalisateur (et chanteur
sans succès) Fred Poulet, le numéro 8 indo-mauricien filme son
ennui. Ne vous attendez pas à voir Zidane expliquer son coup de
tête, ou Henry sous la douche, Dhorasoo ne filme que ses journées,
des tunnels où il ne se passe rien. Des couloirs, des fenêtres, des
arbres. Il roupille l’après-midi, lit Jonathan Coe, ne dort pas la
nuit. Images d’une solitude souvent touchante. Cadrages foireux. Sans le
savoir, le footballeur pénètre sur le terrain d’un cinéma d’art, là où le
talent naît du hasard et d’une dose de fumisterie. Vague à l’âme d’un
Narcisse coutumier des conflits avec ses coéquipiers. Chaque victoire des
Bleus devient, égoïstement, un calvaire de plus en plus difficile à
supporter. « En fait, j’ai envie que cette Coupe se termine ».
Plutôt perdre et rentrer en France, que moisir sur la touche. Et Domenech
qui ne lâche pas le morceau. « Des mecs dont je m’en fous, il y’en a
plein. Mais lui, je l’estime. Je me suis toujours considéré comme son
fils. Il m’a entraîné pour gravir une montagne, et le jour où j’en suis
capable, il va choisir le fils du voisin. C’est une trahison. Il a cédé,
comme les autres. » Comme Jacques Santini à Lyon, ou Guy
Lacombe à Paris, qui l’a licencié avec fracas en octobre dernier. «
En Allemagne, on m’a privé de dessert. Mais mon fondant au chocolat, ce
sera peut-être ce film ». « Substitute », chanson des Who qui signifie
« Remplaçant », a gagné le prix du cinéma français au Festival de Belfort.
Médaille en chocolat ? Les amateurs de télé-confession savourent ces
soixante dix minutes, que les footballeurs ne leur disputeront pas.
Toujours moins pompeux que le « Zidane » de Philippe Parreno.
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